(c) video et textes : christine wilmes - mise en son patrick mascaux
MIGRA
LOGBOOK
Un bled coincé entre la I10 et la voie de chemin de fer.
Le long de l’avenue centrale une pompe
Le long de l’avenue centrale une pompe
et un bar incendiés tombent en ruines.
Une armurerie semble fermée
un mini market reste ouvert.
Une vitrine de robes de mariées.
Une vitrine de robes de mariées.
De l’artisanat la poste la gare l’église.
Des villages de caravanes
Des villages de caravanes
des motels tenus par des mecs pas nets.
La locomotive 4182 de la «Union Pacific»
tire des kilomètres de doubles containers
tire des kilomètres de doubles containers
verts pour Evergreen et Hatsu Marine.
Oranges pour Uniglory.
Bleus pour Lloyd Triestino et Seaco.
Bordeaux pour Triton.
Oranges pour Uniglory.
Bleus pour Lloyd Triestino et Seaco.
Bordeaux pour Triton.
Une bannière étoilée géante flotte au vent devant une
longue caravane argentée posée sur des blocs de béton.
Personne.
Pas un arbre.
La terre sèche vole et tourbillonne.
Des boules de branches s’accrochent à la carcasse
Pas un arbre.
La terre sèche vole et tourbillonne.
Des boules de branches s’accrochent à la carcasse
désséchée d'un pick-up.
Un chien efflanqué et squelettique se vautre au soleil.
Une radio crachote de la musique Norteña.
Une radio crachote de la musique Norteña.
Dimanche.
Le pick-up équipé de la CB connectée avec le bureau du shérif.
Un groupe de familles part en pique-nique le long de la
Le pick-up équipé de la CB connectée avec le bureau du shérif.
Un groupe de familles part en pique-nique le long de la
frontière et s’installe hors des sentiers balisés.
Comme pour un jeu :
les pères sortent les carabines les jumelles infra rouge
les pères sortent les carabines les jumelles infra rouge
le frigo box et les bières.
Ils traquent l’étranger, le mojado, le clandestin.
Ils traquent l’étranger, le mojado, le clandestin.
Un mur d’enceinte entoure quinze maisons identiques
en briques rouges.
Elles s’emboitent en quinconce dans un carré quadrillé
Elles s’emboitent en quinconce dans un carré quadrillé
de routes et de jardins.
De l'autre côté de Tennyson Drive un gardien assis dans
une guérite en plastique
surveille quinze autres maisons identiques crépies
surveille quinze autres maisons identiques crépies
en blanc.
Tijuana le 15 mars 94.
Côté Mex un couple de Guatémaltèques se tient debout
Côté Mex un couple de Guatémaltèques se tient debout
devant le mur de tôle
et regarde les hélicoptères qui tournent sur la frontière.
Côté USA des habitués passent d’un bond dessus le mur
ou rampent dessous comme des renards.
Ils zigzaguent pliés en deux d’un arbrisseau à l’autre.
et regarde les hélicoptères qui tournent sur la frontière.
Côté USA des habitués passent d’un bond dessus le mur
ou rampent dessous comme des renards.
Ils zigzaguent pliés en deux d’un arbrisseau à l’autre.
Le no man’s land - les barbelés - une route pour les
Borders Patrols - encore des barbelés - la I10.
Des cités entourées de murs.
Des terrains de sport - des barbelés - des avenues
Des terrains de sport - des barbelés - des avenues
immenses - des bretelles d’autoroutes.
Des terrains vagues.
Des villas avec jardins.
Des kilomètres de murs.
Des villas avec jardins.
Des kilomètres de murs.
Les sirènes sonnent l’alerte 3.
Le bouclier n’est plus fiable.
A chaque pluie acide tous les habitants doivent se replier
Le bouclier n’est plus fiable.
A chaque pluie acide tous les habitants doivent se replier
dans les abris en sous sol.
Le village de caravanes perché au dessus de la ville.
La nuit des gens passent en silence.
Une porte en plastique s’ouvre laisse passer un rai bleuâtre.
A l’horizon Ciudad Juarez :
des trillions de lumières anarchiques palpitent s’agitent
La nuit des gens passent en silence.
Une porte en plastique s’ouvre laisse passer un rai bleuâtre.
A l’horizon Ciudad Juarez :
des trillions de lumières anarchiques palpitent s’agitent
se croisent s’entrechoquent.
El Paso s'étale en larges avenues feutrées bordées de barbelés
El Paso s'étale en larges avenues feutrées bordées de barbelés
et sillonnées de patrouilles de flics.
Des voitures roulent au pas traînent devant les parkings privés.
Les rabatteurs se penchent aux fenêtres.
Les dollars circulent.
Des colis passent de bras en bras.
Le monde trafique le regard bas.
Les rabatteurs se penchent aux fenêtres.
Les dollars circulent.
Des colis passent de bras en bras.
Le monde trafique le regard bas.
CRASH SITE
LOGBOOK
Le vautour sautille au bord de la route
dépiaute un rongeur.
Il détache la peau.
Tiraille la tête jusqu’à ce qu’elle s’arrache et l’avale.
Gloup fini.
L’odeur fait gerber.
Enfermés dans des sulfures de minuscules personnages
verts attendent aux commandes de leurs soucoupes volantes.
Des ET en plastique dur ou en caoutchouc fluo
ou en peluches de couleurs
débordent de boîtes en carton sans couvercles.
Un lapin géant avec des oreilles monstrueuses se tient
debout immobile devant les barbelés.
On trouve le Jack Rabbit à la sortie 219 de la I10.
A 60 miles au Sud de Phoenix et 40 miles au Nord de Tucson
Une mystérieuse cloche de silence avale les bruits.
Étouffe Les sons.
Les paroles résonnent sans résonnance...
Deux cents personnes vivent sur 1km carré et tout est silencieux.
Une barrière, une guérite, des soldats.
Le V2 de Von Braun. Des missiles.
Un Nike-Ajax.
Quelques vieux Skuds peints à l’antirouille
et rafistolés au polyester.
Trois Patriots.
Quelques modèles de poche.
Une batterie pour simuler la guerre.
Deux camions transportent la maison en deux morceaux.
Ils la déposent au milieu de son terrain le plus loin
possible du voisin et de la route.
La ville perdue au milieu de nul part pue l’engrais
la merde.
Un mec trop zarbi trop vieux tout racorni tout gris surgit
d’un tuyau énorme qui passe sous la route.
Ses yeux pétillent.
Il pose des questions et t’offre un dollars en plastique
comme porte bonheur.
Son caniche gris de crasse des nœuds plein les poils saute
en l’air agite la queue mâchouille le vide.
Des centaines de veaux à peine nés sont isolés.
Chacun a droit à un petit igloo de plastique blanc
et à un mètre de béton.
Des cow-boys rassemblent les plus âgés dans un enclos
et les trient.
Les vaches seront vendues.
Elles sont regroupées dans un corral entouré de barbelés.
Le foin est distribué le long d’une allée :
des centaines de têtes et de culs s’alignent le long de
la clôture.
On parle de faire passer les troupeaux au 18ième siècle
à travers les tubes de verre
ou de les regrouper sur un satellite de Mars.
Le centre commercial est de l’autre côté de l’avenue
super giga large :
impensable de la traverser à pied ni même à vélo.
Les faubourgs s’étalent sur des kilomètres.
Un putois des oiseaux mouches des perroquets un porc épique.
Des javelines grognent et reniflent toute la nuit.
Les ours et les pumas sont de retour dans les montagnes.
La nuit il faut planquer la nourriture à l’abri :
dans des coffres en métal qui ferment avec des poignées tournantes.
Dans des sacs hermétiques suspendus par des cordes
ou des crochets à de hautes potences à l’écart des campements.
Ou dans les bagnoles.
15h.
Le ciel est trop noir.
Le vent se déchaîne.
Les voitures roulent au pas phares allumés
à travers la poussière.
La station déconne c’est la troisième tornade depuis un mois.
On prévoit deux séismes et un tsunami pour la semaine prochaine.
Tout le monde en a marre des incompétences.
Les potes se tirent dans les terres intérieures.
Ils ont appelé le cratère de la bombe test «Trinity Site».
SECRET ZONE
LOGBOOK
Un fermier en salopette bleue accroupi au milieu d’un champ.
Il pointe sa 22 long rifle sur un trou de taupe.
Prêt à tirer.
Tu t'arrêtes et les mecs te proposent un parking.
Ils ne t'ont jamais vu et se méfient.
Qu’est ce que tu fous là ?
Tu as une caméra, tu espionnes?
Tu filmes et imperceptiblement le monde bouge autour de toi
te surveille.
Trois ou quatre chemins en terre partent en parallèle.
De la crasse et des ferrailles partout.
Les maisons sans couleur se désagrègent.
Quelques poules au croupion pelé picorent le terrain poussiéreux.
Une chambre de motel sous l'escalier au fond du parking.
Deux King size.
Un micro onde et deux tasses sur un bahut.
La longue pièce sent le gras.
Les murs sont en carton.
Les voisins rient
boivent et jouent aux cartes toute la nuit.
Le Mac Do s’est transformé en soucoupe volante.
Les lampadaires en ET.
Dans le désert au milieu de rien des lumières flottent et irradient.
A 15 miles au Nord de Trinity Site
au bord de la réserve militaire.
La maison verte se fossilise.
Pas une goutte d’eau à 1000 miles à la ronde.
Deux voitures et un Jet ski pourrissent sur un terrain vague.
Une maison rose.
Une route en cailloux.
Une église.
Le camion du maire.
Une pompe fermée
private property.
Un bar à vendre.
Une maison blanche.
Sous la véranda
un vieux se balance sur son rocking chair.
Des kilomètres de trains passent en grinçant.
Un jour
quelqu’un a capté un son venu de l'infini.
Ils ont construit des antennes.
Vingt quatre radiotélescopes
orientés vers le fond de l’univers
écoutent les extraterrestres.
Le silence absolu.
Un ciel azur.
Une fine pellicule de neige.
Des daims broutent.
Selon toute vraisemblance
les radiations produisent leurs effets.
Les consignes sont distribuées un peu à la hâte.
Malgré ce semblant d’improvisation
ils semblent prêts et attendent la suite des évènements.
EDEN